Après
Batman Returns et X-Men 2, deux suites de film de
superhéros qui, tout en approfondissant les thématiques
développées dans l'épisode précédent,
parvenaient à exister en elle-même pour finalement
surpasser l'original, Spiderman 2 prouve à nouveau
que la suite sied décidemment bien aux adaptations de comics
Car
Spiderman 2 n'a rien de la séquelle bigger,
faster, lourder bête et méchante. Au
contraire, les séquences d'action se font plus rares - mais
leur intensité est telle qu'elles laissent un souvenir marquant
dans la rétine, en attestent les clashs tétanisants
opposant l'araignée à son nouveau copain -, délaissées
au profit des rapports humains si chers à l'auteur. La franchise
arachnéenne prend alors une dimension cornélienne
: exit le triangle amoureux du premier épisode, Raimi se
consacre exclusivement aux roucoulades contrariées de ses
deux têtes d'affiche, tout en approfondissant considérablement
le rapport amour/haine entre Peter Parker et Harry Osborne (incarné
par le toujours remarquable James Franco), rivaux et amis, le second
étant déchiré entre son amitié pour
Peter et le devoir de vengeance qu'il doit à son père
(vous avez dit Le Cid ?). Raimi tisse donc insidieusement la toile
d'une confrontation inévitable et tragique que devrait, selon
toutes probabilités, relayer l'épisode III.
Le réalisateur d'Evil Dead, un cinéaste humaniste
? Que ceux qui en douteraient encore retournent à Daredevil,
ils sont aveugles.
Mais là où Spiderman 2 trouve véritablement
sa raison d'être, c'est sous la forme d'une véritable
relecture du premier opus, à la fois thématique et
séquentielle...
SERIOUS
SAM ?
Thématique, puisqu'on y retrouve les idées déjà
abordés dans le premier épisode (à savoir "a
big power implique de big emmerdes"), mais qui aboutissent
ici à un résultat différent, puisque Peter
Parker ne se contente pas d'assumer sa condition de superhéros
pour de bon, mais s'accepte aussi, et surtout, en tant que Peter
Parker. Spiderman 2 s'éloigne ainsi des tourments
schizophréniques d'un Hulk, de la quête expiatoire
d'un Batman ou du désir de justice insatiable d'un
Daredevil, pour se rapprocher finalement d'une unification
du moi [NDLR : c'est Mireille Dumas qui va être contente
],
littéralement personnifiée par le démasquement
du justicier à la fin du métrage. Peter Parker est
ainsi littéralement contraint de concilier ses deux personnalités
(l'araignée et le binoclard) pour parvenir à accomplir
sa fameuse mission, faute de quoi il perd tout bonnement ses pouvoirs
(panne de toile
l'impuissance du superhéros, quoi).
La morale véhiculée à la fin du premier épisode
est donc ici considérablement remise en cause
On ne
peut s'accomplir à fond dans ce que l'on fait qu'à
l'unique condition d'être épanoui dans sa vie privée.
Mais
Spiderman 2 se présente également comme une
relecture purement séquentielle, puisque des vignettes entières
du premier épisodes sont décalquées scrupuleusement
(la conversation entre Parker et MJ dans le jardin, l'épreuve
du saut d'immeuble, l'intervention des new-yorkais pour sauver leur
héros, le dialogue entre Oncle Ben et Peter dans la voiture
),
mais aboutissant là encore à un résultat différent
(un procédé déjà magistralement utilisé
par le père Raimi sur le second volet d'Evil Dead)...
Ces corrélations ne se contentent pas de faire le lien entre
les deux volets (de faire office de passerelles, en quelque sorte),
mais mettent en exergue les répercussions engendrése
par les choix des protagonistes à l'issu du premier Spiderman.
Le terme "séquelle" prend alors ici tout son sens,
à savoir une conséquence qui est le contrecoup d'un
évènement et d'une situation
APOLOGIE
DE LA LOOSE
Quant à la mise en scène de Raimi, elle est pareille
à elle-même, à savoir d'une inventivité
et d'une efficacité constantes, doublé d'un humour
contagieux (à ce titre, le désormais classique cameo
de Bruce Campbell touche ici au génie) et d'une naïveté
non feinte. Il est d'ailleurs assez paradoxal de voir que les réalisateurs
venus du gore, plus que tout autre, manifestent une totale absence
de cynisme vis-à-vis du matériau qu'ils traitent (suivez
mon regard).
Enfin,
la véritable faille du premier opus résidait dans
son vilain (or "si vous voulez qu'un film soit bon, le méchant
doit être crédible", avait dit quelqu'un de sensé)
: le green gobelin, interprété par un Willem
Dafoe cabotin, méritait bien son titre de bouffon (mais c'est
nous qu'on était vert). Point d'erreur de ce genre ici, puisque
dans le MacFarlane du Doc Ock, Alfred Molina (déjà
remarquable dans Boogie Night et Frida) bourre son
bad-guy d'un supplément d'humanité bienvenue,
et offre une prestation sobre et toujours juste. Sous un physique
qui ne paie pas de mine, l'acteur mexicain se révèle
bluffant de présence et de charisme, et distribue des mandales
tentaculaires à la malheureuse aragne avec une classe monstrueuse.
Un spider-man, qui s'en prend décidément plein la
gueule pendant tout le film, et nous avec. Au milieu des turpitudes
de son quotidien (paiement du loyer, soucis de cur
)
les envolées dans New-York prennent alors une véritable
dimension cathartique (en gros, il tatane les vilains pour oublier
qu'il s'est fait virer, c'est du propre). Car c'est bien là
que Spiderman 2 se démarque des autres adaptations
de comics récentes. Ici, l'identification au personnage est
à ce point poussée qu'on accueille le happy-end avec
une véritable joie, dénuée de tout recul. Si
bien que la question n'est pas vraiment de savoir si Sam Raimi est,
oui ou non, Peter Parker pour déceler une (de toute façon
évidente) portée autobiographique dans l'uvre
Non, la véritable question est de savoir si VOUS, spectateur,
vous êtes Peter Parker... Dans le cas contraire, Spiderman
2 vous arrachera, au mieux, un ricanement narquois, au pire,
un bâillement d'ennui. Mais si la réponse est oui,
alors préparez-vous à une expérience cinématographique
thérapeutique, purgative, et bigrement salutaire. #
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