C'est torse nu, un bandeau vissé autour du front, les mains encordées, que Diez accueille à présent toute forme de critique adressée à Tribaal. Notre rédacteur en chef a décidé d'adopter, au grand dam de tous, la philosophie de sa nouvelle idole, Tony Jaa. Manque de mise à jour ? Vlan, dans la gueule. Critiques snobinardes ? Pan, dans la face. Ca, c'était avant que Marlowe - 73 kgs de masse musculaire, quand même - vienne demander une augmentation. Après trois mois d'hospitalisation à Ste Mangouste de Grézieux les Fromentales, Diez a décidé d'adopter la philosophie de Ben Kingsley dans la biopic de Gandhi. Ca lui réussit mieux.

BRUCE RIT (et on le comprend)
J'aime ces petits instants de calme après la tempête… Les lumières reviennent, le générique du film défile sous les poussées sonores des vauriens châtrées de Tragedy. Mon voisin et moi nous levons, nous étirons et échangeons finalement un regard entendu : "une bonne daube".
Ouch, dans la gueule. Un film ne se relève pas d'un constat pareil. C'est la petite remarque assassine qui précède la longue critique ronflante… Mais critique ronflante il n'y aura pas. En effet, motivé par les mandales fulgurantes de Tony Jaa, votre serviteur s'est mis dans la tête de faire concis (mais éloquent) et, pour une fois, de bannir sa, ô combien soporifique, prose coutumière. N'y allons pas par quatre chemins : Ong-Bak est une daube, point barre.
Alors, j'en entends déjà crier : "on a pas le droit de rabaisser un film comme ça, c'est ton opinion, tu n'as pas la science infuse, tu n'y connais rien, ces critiques intellos et snobinardes ça me dégoûte, si vous n'aimez pas ça, n'en dégoûtez pas les autres, t'es même pas beau !". Que répondre sinon : VLAN. Coup de pied fulgurant du critique dans la masse des vitupérations. Moi, j'argumente pas, je cogne.
Ong-Bak, à la base, pourtant, ça s'annonçait comme un métrage boostant, en atteste une petite bande-annonce pépère, juste de quoi titiller notre curiosité de cinéphage vorace. EuropaCorp. commence à distribuer les films d'action asiatiques ? En voilà une bonne nouvelle (tout plutôt que leurs déjections hexagonales coutumières). Et puis la une de Mad Movies qui titre : "IMMEDIATEMENT CULTE"… Ca ne trompait pas : tout cela présageait d'une petite perle de violence salvatrice dans le morne paysage cinématographique d'avril.

Et ben non, en dépit de tous, on en revient invariablement à ce constat atterrant : Ong-Bak est une daube, Ong-Bak est une daube, Ong-Bak est une daube.
Et surtout, Ong-Bak est une daube.
Je m'explique.

L'EFFET FOOTCHBÔLE
Cadré par un ivrogne, sans la moindre constance de mise en scène - en gros, certains combats sont filmés en plan séquence, donc brute de décoffrage, et d'autres fourmillent d'effets de style -, Ong-Bak est le prototype du film désincarné, à la réalisation inexistante. A ce titre, la séquence de la partie de cartes truquée, on ne peut plus superflue, mériterait d'être analysée tant elle est un modèle d'efficacité zéro. Aucun tempo, aucun rythme. Servies par des titres électro qui échouent à les mettre en valeur (en atteste la poursuite dans les rues de Bangkok, avec un track qui lorgne fortement du côté de Spybreak), certaines scènes d'action - la poursuite en taxi, notamment -, vont jusqu'à avoir un effet soporifique surprenant… Un comble.
Que ce soit filmé à l'arrache n'est pas vraiment un problème en soi, même si Ong-Bak dispose d'un trop gros budget pour qu'on ose faire passer ces carences pour de l'amateurisme affiché. Ca ressemble à du Système D, mais ça n'en a même pas la saveur.
Ong-Bak est filmé avec les pieds mais pire : Ong-Bak est monté avec les chaussettes. Or le montage, c'est quand même hachement important, faut pas le confier à n'importe qui… et encore moins à un ancien monteur de matchs de foot. Parce que sinon, y a une chance sur deux pour que le mec, impressionné par les cascades que t'as filmé, il te les passe 4 fois et en slow-motion, silvouplé. Si fait. Alors voir Tony Jaa enjambé une voiture au ralenti une fois, ça passe, deux fois, relou, trois fois, tu craques. Trop d'effets tue l'effet.
Et là, en l'occurrence, ça te foire tout le film. Même avec des rushes mal cadrées, on pouvait fignoler quelque chose d'un tant soit peu dynamique. Nada. Chaque prouesse - certes souvent ahurissante - est repassée en boucle et dans son intégralité, avec de nouveaux angles de vue, jusqu'à la nausée. Gâcher un tel potentiel d'efficacité avec autant d'opiniâtreté, c'est du jamais vu, ça mérite le respect. A se foutre en l'air, on vous dit !

NANAR THAÏ XXL
Ce n'est pas tant que les joutes martiales soient mal filmées et maladroitement greffées sur l'intrigue qui me gêne (c'est bien souvent un défaut inhérent au genre). Si Ong-Bak se résumait à une enfilade de scènes d'action - peut-être mal filmées mais barrées, violentes et jouissives (et garanties sans SFX !) - passerait encore. Mais non, Prachya Pinkaew (c'est un copier-coller, je vous rassure, j'ai pas appris le nom du réalisateur par cœur) comble les trous béants de son scénario avec une poignée de personnages secondaires (PNJ, on dit, dans les jeux de rôle), dont un antihéros définitivement à baffer et une chiarde volubile. A leur charge de pourvoir le film d'un humour gras et puéril digne de TAXI, histoire de dérider le spectateur lambda entre deux échanges de bourre-pifs. Enfin, la chiarde a quand même le mérite de t'arracher le seul éclat du rire du film, à la toute fin, avec une scène ô combien lacrymale, où elle implore son ami agonisant de ne pas mourir, en l'inondant d'un flot de paroles ininterrompu, du genre à achever n'importe quel moribond.
Et chez les bad guys, ça ne vaut guère mieux. De l'affreux affro bridé au metalleux sur le retour, en passant par le Corleone de service qui fume par tous les trous - le coup de grâce restant quand même cet espèce de boss de fin mal dégrossi, un mangeur de Frosties (le Tigre est en toi, Marcel !) qui s'envoie des doses de shoot par paquet de douze (véridique) -, c'est une bien pathétique galerie de personnages qui défile devant nos yeux. Des pantins caricaturaux, d'autant plus mauvais que desservis par une VF atterrante, et qui ne sont là que pour servir la soupe à Tony Jaa, le fameux "nouveau dragon" vanté par l'affiche. Assez mauvais acteur au demeurant, le petit gars dégage suffisamment de charisme pour nous empêcher de piquer le roupillon escompté et salutaire. Entendons nous bien, le gaillard s'y entend pour distribuer les mandales avec efficacité et panache, et avec ce petit style bien à lui qui en fera peut-être une action-star internationale (ceci dit, Jet Li peut dormir sur ses deux oreilles, on n'en est pas encore là), mais ça ne suffit pas. On a beau avoir les épaules musclées, on ne peut pas tenir tout un film dessus…

Alors, constat final : Ong-Bak, une Tragedy ? (facile, je le reconnais) A ranger aussi sec dans notre rubrique "nanars" ?
Pas de mauvaise foi, y a bien deux trois trucs à sauver dans ce film, à savoir quelques empoignades frénétiques qui parviennent à dépasser la médiocrité de la mise en scène pour s'affirmer dans toute leur virtuosité. Des rares instants stupéfiants où l'animal tapi en chaque être se réveille enfin et déchaîne son courroux, où la poussière ocre se teinte d'hémoglobine. Les chairs claquent, les os craquent, les vertèbres font du gloubi-goulba. Le spectateur se redresse et oublie un instant la médiocrité ambiante du soft… Ces kékés furibards et débridés se marravent la face avec tant de sincérité et de passion qu'on en chialerait. Mais il faut être réaliste, en dehors de ces scènes qui surnagent dans la bouillabaisse sanglante de Ong-Bak, les restes, c'est quand même mou du genou. Et pour un film de boxe thaï, ça le fait pas… #


* Quelques tatanages de gueule pas piqués des hannetons (le minimum syndical, quoi)


* Ennuyeux
* Pas drôle
* Mise en scène bâclée
* Montage digne d'une retransmission de football sur Sport +
* Tous les personnages secondaires qui gravitent autour de Tony Jaa


...les beat them all de MegaDrive style Street Rage (se référer aux scènes où les méchants jaillissent d'on ne sait où, pareillement modélisés, et plus particulièrement à la séquence sur l'échafaudage de bambous ou de paisibles maçons se transforment en combattants furax).


Le film que tous annonçaient comme le renouveau du cinéma de kung-fu s'avère être un foirage totale côté technique (la faute à une mise en scène jmenfoutiste et un montage indigeste), interprétation et scénario (cela dit, ça, c'est peut-être pas là qu'on l'attendait le plus au tournant). Quelques échauffourées violentes et intenses sauvent toutefois cet Ong-Bak du plantage intégral mais entre nous, dans le genre "équarrissage de kékés", ça casse pas trois pattes à un canard laqué…

08/20


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Ong-Bak

Film thaïlandais (2003). Action. Durée : 1h 45mn. Interdit aux moins de 12 ans
Date de sortie : 07 Avril 2004
Avec Tony Jaa, Petchtai Wongkamlao, Pumwaree Yodkamol, Rungrawee Borrijindakul, Chetwut Waxharakun...
Réalisé par Prachya Pinkaew

Réalisation, production, distribution
Réalisateur : Prachya Pinkaew
Scénariste : Suphachai Sittiaumponpan, Sukanya Vongsthapat
Producteur : Prachya Pinkaew
Production : Baa-Ram-Ewe (Thaïlande), Sahamongkolfilm Co. Ltd., (Thaïlande)
Distribution : EuropaCorp Distribution, France

Acteur(s)
Tony Jaa : Ting
Petchtai Wongkamlao : George
Pumwaree Yodkamol : Muay Lek
Rungrawee Borrijindakul : Ngek
Chetwut Waxharakun : Peng
Wannakit Siriput : Don
Sukhaaw Phongwilal : Khim Tuan
Chattapong Pantanaunkul : Sming

Equipe Technique
Directeur de la photographie : Nuttawut Kittikun
Cascadeurs : Tony Jaa, Panna Rithikrai
Chef décorateur : Arkadech Kaewkotara
Chef monteur : Thanat Sunsin