BRUCE
RIT (et
on le comprend)
J'aime ces petits instants de calme après la tempête
Les lumières reviennent, le générique du film
défile sous les poussées sonores des vauriens châtrées
de Tragedy. Mon voisin et moi nous levons, nous étirons
et échangeons finalement un regard entendu : "une bonne
daube".
Ouch, dans la gueule. Un film ne se relève pas d'un constat
pareil. C'est la petite remarque assassine qui précède
la longue critique ronflante
Mais critique ronflante il n'y
aura pas. En effet, motivé par les mandales fulgurantes de
Tony Jaa, votre serviteur s'est mis dans la tête de faire
concis (mais éloquent) et, pour une fois, de bannir sa, ô
combien soporifique, prose coutumière. N'y allons pas par
quatre chemins : Ong-Bak est une daube, point barre.
Alors, j'en entends déjà crier : "on a pas
le droit de rabaisser un film comme ça, c'est ton opinion,
tu n'as pas la science infuse, tu n'y connais rien, ces critiques
intellos et snobinardes ça me dégoûte, si vous
n'aimez pas ça, n'en dégoûtez pas les autres,
t'es même pas beau !". Que répondre sinon
: VLAN. Coup de pied fulgurant du critique dans la masse des vitupérations.
Moi, j'argumente pas, je cogne.
Ong-Bak, à la base, pourtant, ça s'annonçait
comme un métrage boostant, en atteste une petite bande-annonce
pépère, juste de quoi titiller notre curiosité
de cinéphage vorace. EuropaCorp. commence à
distribuer les films d'action asiatiques ? En voilà une bonne
nouvelle (tout plutôt que leurs déjections hexagonales
coutumières). Et puis la une de Mad Movies qui titre : "IMMEDIATEMENT
CULTE"
Ca ne trompait pas : tout cela présageait
d'une petite perle de violence salvatrice dans le morne paysage
cinématographique d'avril.
Et ben non,
en dépit de tous, on en revient invariablement à ce
constat atterrant : Ong-Bak est une daube, Ong-Bak
est une daube, Ong-Bak est une daube.
Et surtout, Ong-Bak est une daube.
Je m'explique.
L'EFFET
FOOTCHBÔLE
Cadré par un ivrogne, sans la moindre constance de mise en
scène - en gros, certains combats sont filmés en plan
séquence, donc brute de décoffrage, et d'autres fourmillent
d'effets de style -, Ong-Bak est le prototype du film désincarné,
à la réalisation inexistante. A ce titre, la séquence
de la partie de cartes truquée, on ne peut plus superflue,
mériterait d'être analysée tant elle est un
modèle d'efficacité zéro. Aucun tempo, aucun
rythme. Servies par des titres électro qui échouent
à les mettre en valeur (en atteste la poursuite dans les
rues de Bangkok, avec un track qui lorgne fortement du côté
de Spybreak), certaines scènes d'action - la poursuite
en taxi, notamment -, vont jusqu'à avoir un effet soporifique
surprenant
Un comble.
Que ce soit filmé à l'arrache n'est pas vraiment un
problème en soi, même si Ong-Bak dispose d'un
trop gros budget pour qu'on ose faire passer ces carences pour de
l'amateurisme affiché. Ca ressemble à du Système
D, mais ça n'en a même pas la saveur.
Ong-Bak est filmé avec les pieds mais pire : Ong-Bak
est monté avec les chaussettes. Or le montage, c'est quand
même hachement important, faut pas le confier à n'importe
qui
et encore moins à un ancien monteur de matchs de
foot. Parce que sinon, y a une chance sur deux pour que le mec,
impressionné par les cascades que t'as filmé, il te
les passe 4 fois et en slow-motion, silvouplé. Si
fait. Alors voir Tony Jaa enjambé une voiture au ralenti
une fois, ça passe, deux fois, relou, trois fois, tu craques.
Trop d'effets tue l'effet.
Et là,
en l'occurrence, ça te foire tout le film. Même avec
des rushes mal cadrées, on pouvait fignoler quelque
chose d'un tant soit peu dynamique. Nada. Chaque prouesse - certes
souvent ahurissante - est repassée en boucle et dans son
intégralité, avec de nouveaux angles de vue, jusqu'à
la nausée. Gâcher un tel potentiel d'efficacité
avec autant d'opiniâtreté, c'est du jamais vu, ça
mérite le respect. A se foutre en l'air, on vous dit !
NANAR THAÏ
XXL
Ce n'est pas tant que les joutes martiales soient mal filmées
et maladroitement greffées sur l'intrigue qui me gêne
(c'est bien souvent un défaut inhérent au genre).
Si Ong-Bak se résumait à une enfilade de scènes
d'action - peut-être mal filmées mais barrées,
violentes et jouissives (et garanties sans SFX !) - passerait encore.
Mais non, Prachya Pinkaew (c'est un copier-coller, je vous rassure,
j'ai pas appris le nom du réalisateur par cur) comble
les trous béants de son scénario avec une poignée
de personnages secondaires (PNJ, on dit, dans les jeux de rôle),
dont un antihéros définitivement à baffer et
une chiarde volubile. A leur charge de pourvoir le film d'un humour
gras et puéril digne de TAXI, histoire de dérider
le spectateur lambda entre deux échanges de bourre-pifs.
Enfin, la chiarde a quand même le mérite de t'arracher
le seul éclat du rire du film, à la toute fin, avec
une scène ô combien lacrymale, où elle implore
son ami agonisant de ne pas mourir, en l'inondant d'un flot de paroles
ininterrompu, du genre à achever n'importe quel moribond.
Et chez les bad guys, ça ne vaut guère mieux.
De l'affreux affro bridé au metalleux sur le retour, en passant
par le Corleone de service qui fume par tous les trous - le coup
de grâce restant quand même cet espèce de boss
de fin mal dégrossi, un mangeur de Frosties (le Tigre est
en toi, Marcel !) qui s'envoie des doses de shoot par paquet de
douze (véridique) -, c'est une bien pathétique galerie
de personnages qui défile devant nos yeux. Des pantins caricaturaux,
d'autant plus mauvais que desservis par une VF atterrante, et qui
ne sont là que pour servir la soupe à Tony Jaa, le
fameux "nouveau dragon" vanté par l'affiche. Assez
mauvais acteur au demeurant, le petit gars dégage suffisamment
de charisme pour nous empêcher de piquer le roupillon escompté
et salutaire. Entendons nous bien, le gaillard s'y entend pour distribuer
les mandales avec efficacité et panache, et avec ce petit
style bien à lui qui en fera peut-être une action-star
internationale (ceci dit, Jet Li peut dormir sur ses deux oreilles,
on n'en est pas encore là), mais ça ne suffit pas.
On a beau avoir les épaules musclées, on ne peut pas
tenir tout un film dessus
Alors, constat final : Ong-Bak, une Tragedy ? (facile, je
le reconnais) A ranger aussi sec dans notre rubrique "nanars"
?
Pas de mauvaise foi, y a bien deux trois trucs à sauver dans
ce film, à savoir quelques empoignades frénétiques
qui parviennent à dépasser la médiocrité
de la mise en scène pour s'affirmer dans toute leur virtuosité.
Des rares instants stupéfiants où l'animal tapi en
chaque être se réveille enfin et déchaîne
son courroux, où la poussière ocre se teinte d'hémoglobine.
Les chairs claquent, les os craquent, les vertèbres font
du gloubi-goulba. Le spectateur se redresse et oublie un
instant la médiocrité ambiante du soft
Ces kékés
furibards et débridés se marravent la face avec tant
de sincérité et de passion qu'on en chialerait. Mais
il faut être réaliste, en dehors de ces scènes
qui surnagent dans la bouillabaisse sanglante de Ong-Bak,
les restes, c'est quand même mou du genou. Et pour un film
de boxe thaï, ça le fait pas
#
|
|