Jack Skellington, épouvantail de son état, se morfond : l'égérie d'Halloween Town en a sa claque de commettre crimes sur crimes et de faire sauter les pacemakers des septuagénaires qu'il visite. C'est au hasard d'une errance qu'il franchit une porte menant à Christmas Town, le QG du Père Noël. La découverte de cet autre monde où tout n'est que joie de vivre, boules de neige & friandises, fait chavirer le cœur de notre héros d'os. Il décide alors d'évincer Papi Noël et de distribuer à son tour les cadeaux, apportant un peu de piment à la Sainte Nuit…

Vous l'aurez compris, cette histoire là est un conte de fée gothique que n'auraient pas désavoué les frères Grimm et dont l'auteur n'est autre que Tim Burton. Est-il encore besoin de présenter cet illusionniste à l'imaginaire débridé ? Bon, petit cours de rattrapage en une phrase chrono pour les quelques internautes ignares qui nous lisent : Tim Burton est l'un des cinq meilleurs cinéastes américains des années 90 ; il a signé, entre autres, quelques petites merveilles comme "Ed Wood", "Edward aux mains d'argent" ou "Sleepy Hollow", avant que le croquemitaine d'Hollywood ne le rattrape et qu'il ne commette le massacre du remake de "La Planète des singes". Mais ne nous avançons pas trop : en ces temps là, l'imaginaire de Tim Burton était encore vierge de toute influence pécuniaire...
L'artiste de génie nous livre donc avec "L'étrange Noël de Mr Jack" une œuvre exceptionnelle, servie par la mise en scène impeccable de Henry Selick, à qui l'on doit entre autres " James et la pêche géante " et "Monkeybone" (où Brendan 'Momie' Fraser tenait le rôle principal).
Au cours de l'histoire du film, le spectateur sera amené à rencontrer une pléiade de personnages extravagants : du Dr Frankenstein avec l'option crâne amovible au maire schyzo, en passant par les garnements masqués ; on retiendra surtout cette grosse baderne d'Oogie-Boogie, un sac à patates garni d'insectes et crooner à ses heures perdues, qui s'avère être également une allégorie de l'enfer du jeu. Ces créatures fantasques évoluent dans des décors insolites (entendez par là extraordinaires), oscillant entre le gothisme baroque et la féerie pure, avec une légère préférence pour le gothisme - un penchant naturel de Burton, sans doute-… Champ de citrouilles au faciès ricanants, manoir biscornu, cimetière aux tombes 'gargouillesques', laboratoire diabolique encombré de fioles et d'éprouvettes : des décors directement tirés des poncifs de la littérature fantastique anglaise - la meilleure, soit dit en passant - et dont la transposition à l'écran s'avère tout simplement fabuleuse ! Mais il serait stupide de cantonner ce film à un simple livre d'images…



Après avoir débattu sur la forme, abordons donc le fond. Bien que limpide de prime abord, l'histoire de " L'étrange Noël de Mr Jack " soulève en réalité des questions essentielles (et symptomatiques du cinéma de Burton) : la quête de soi, l'intégration dans la société, l'acceptation de sa propre marginalité. Dieu merci, ce n'est pas Disney qui y apporte les réponses : l'épouvantail ne finira pas entouré de lutins débonnaires dans un parterre de lilas. Au contraire, rejeté par une société qui refuse de le comprendre, Jack s'en retourne à ses citrouilles, dans son petit village d'Halloween Town. Cette histoire aura eu le mérite de lui faire découvrir l'amour en la personne de Sally, une ravissante créature couturée, mélange avoué de Marlene Dietrich et de Lisa Marie (la muse et l'épouse de Tim Burton). En dépit de ce happy-end, le constat est loin d'être tout rose. Mais après tout, pourquoi tenter de s'intégrer dans un système qui ne nous mérite pas ? Le débat est lancé…
Alors, un conte métaphorique de plus ? Pas seulement, puisque "L'étrange Noël de Mr Jack" se révèle être également une comédie musicale, servie la partition ensorcelante de Danny Elfman. Un Danny Elfman inspiré par son sujet (profitions en, c'est pas tous les jours) qui signe ici la plus belle bande originale de toute sa carrière, un véritable opéra de l'horreur où des envolées oniriques et cauchemardesques croisent des échappées jazzy.

Et ce n'est pas tout ! Il est intéressant de noter que "L'étrange Noël de Mr Jack" a été, pour l'époque, une véritable révolution dans le domaine de l'animation puisque c'est le premier long métrage à avoir été entièrement réalisé avec la technique du "stop motion" (animation image par image de personnages faits de pâte à modeler), procédé utilisé plus tard -et avec autant de brio- pour "Chicken Run".
Un enchantement de tous les instants, donc, pour les yeux comme pour les oreilles.

Pour l'anecdote de tournage, c'est Danny Elfman lui-même qui a doublé Jack Skellington et quelques autres personnages secondaires. Le compositeur fétiche de Burton s'est à tel point impliqué dans ce film qu'une dissension a finit par éclater entre le réalisateur et son compositeur. Ainsi, "L'étrange Noël de Mr Jack" a signé la rupture de leur longue collaboration, ce qui explique pourquoi c'est Howard 'Lord of the Rings' Shore et non Elfman qui composa la musique d'"Ed Wood". Heureusement, la séparation fut de courte durée puisque une fois leur dispute consommée, Burton donna à Elfman une nouvelle occasion de s'éclater musicalement sur son "Mars Attacks".

Dans la rubrique " cameo ", il est bon de savoir que : -1°) le chat qui bondit de la poubelle dans " L'étrange Noël de Mr Jack " est le même que celui de l'excellent court métrage d'animation " Vincent " (également signé par Tim Burton) ; -2°) Jack Skellington avait déjà fait une brève apparition dans Beetlejuice (1989) où il était juché sur le toit d'un carrousel.

Enfin, on se quitte sur une excellente nouvelle (toute fraîche) : Tim Burton a décidé, une fois son dernier long métrage achevé (Big Fish, avec Ewan MacGregor, Albert Finney et Marion Cotillard, qui sortira le 17 mars 2004), de rempiler dans l'animation. Il produira un dessin animé où un époux comblé découvre que sa femme est un cadavre. Ca fait du bien de savoir que Hollywood n'a pas encore phagocyté tous les talents des Etats-Unis ! #

http://www.etrange-noel.net

http://magiedetimburton.iquebec.com/

http://www.tim-burton.net/


"Critique d'une critique...?!
j'aime plutôt bien ce qui est dit.
Non, plus sérieusement, très bon résumé.personellement, je n'apprécie pas trop les critiques rubriques, comme ici, fond, forme, musique, décors,... mais pourquoi pas ?
Je ne me souviens plus trop du film, mais peut-être qu'un analyse de l'oeuvre aurait du être plus présent et faire, un petit paragraphe à elle toute seule (ici, elle est juste mentionnée, sans plus).
Ce que je veux dire, c'est que "la quête de soi, l'intégration dans la société et" (je sais plus), il aurait fallu plus l'expliciter.
En même temps cela dépend à qui s'adresse la critique, à des gens qui l'ont vu ou non le film ? ou alors au deux. C'est délicat. (...)
Sinon, j'apprécie, les remarques sur le contexte, les "brèves de tournage". Ainsi, j'ai appris pourquoi T. Burton et D. Elfman se sont disputés.
Enfin, un peu plus de subjectivité aurait amené ce quelque chose qui "humanise" l'article.
Mais cela n'engage que moi." Staxton.Billing

 



Film d'animation américain (1994). Comédie musicale fantastique. Durée : 1h 15mn.

Réalisateur :
Henry Selick

Scénaristes :
Tim Burton, Michael McDowell, Caroline Thompson

Producteur :
Tim Burton, Denise DiNovi

Production :
Skellington Productions, U.S.A.
Touchstone Pictures, U.S.A.

Acteur(s) :

Chris Sarandon : Jack Skellington (voix)
Danny Elfman : Barrel/Jack Skellington (chansons)
Catherine O'Hara : Sally/Shock (voix)
William Hickey : Dr. Fikleystein (voix)
Glenn Shadix : maire (voix)
Paul Reubens : Lock (voix)

Equipe Technique
Compositeur : Danny Elfman
Directeur de la photographie : Pete Kozachik
Directeur artistique : Tim Burton
Animation et effets visuels : Kelly Asbury
Producteur délégué : Danny Elfman
Coproducteur : Kathleen Gavin, Jeffrey Katzenberg (non crédité)
Producteur associé : Jill Jacobs, Diane Minter Lewis, Philip Lofaro