Le cinéma d'un pays a toujours été lié étroitement, comme toute forme d'art, à son Histoire. C'est pourquoi le cinéma asiatique, ou plus précisément nord-est asiatique, a un background totalement divergeant du cinéma occidental, et davantage de l'Hollywoodien.

Le cinéma japonais, relativement vieux, s'est épanoui dans les années 30, puis logiquement après la guerre, avec des cinéastes tels Ozu (Ochazuke No Aji), Kobayashi (Seppuku), Mizoguchi (Le Héros Sacrilège), et l'inévitable Kurosawa. Comme les milieux intellectuels de chaque pays, grâce aux moyens de communication en plein développement, commencèrent à se fréquenter, la nouvelle vague française initia quelque peu la japonaise, faite de Suzuki (La Barrière de Chair), de Fukasaku (Cimetière de la Morale), de Hasegawa (The Man Who Stole The Sun), de Imamura (Vengeance Is Mine), de Yoshida (Massacre & Eros), et du très controversé Oshima Nagisa (L'Empire des Sens). Dans les années 80, là où le cinéma français agonisait, la période d'expansion abrutisante post-bulle économique n'eu que très peu d'effets néfastes sur le niveau de la production globale, ceci dit en baisse : des cinéastes comme Morita (et son très satirique Kazoku Geimu) prenaient la relève du cinéma dit intellectuel, et le cinéma de genre se développait, avec Ishii Sogo (Crazy Family), ou encore Kurosawa Kiyoshi (Door III) ; tandis que les anciens Imamura ou Fukasaku continuaient d'officier pour la diaspora cinéphile, et que Kurosawa signait dans la même décennie deux chef d'œuvres fastes : Ran et Kagemusha. Puis vinrent les 90's qui, elles, virent l'irruption d'un certain Kitano Takeshi, connu depuis déjà dix ans du public japonais pour ses délires télévisés ; les critiques européens, en quête d'os cultes à ronger aux vues du coma prolongé du cinéma hollywoodien, se jetèrent dessus, en oubliant un peu toute une génération d'autres jeunes cinéastes tels Shinozaki (Okaeri) ou Sakamoto (Tokarev), tandis que seuls les réalisateurs de films de genre tels Kurosawa Kiyoshi (avec son tryptique Cure, Charisma, Kairo), Ishii Takashi (Gonin) ou Nakata Hideo (et son fameux Ring) perçaient jusque dans nos vertes contrées. L'évolution critique de la jeunesse japonaise donna naissance à une pléiade de films sociaux que Bounce Kogaru, énorme hit de 97 de Harada Masato, symbolisa. Depuis, avec l'arrivée du siècle nouveau, le cinéma japonais a tendance à partir dans tous les sens, du survolté gratuit servi par des tarés du genre de Miike Takashi (La Cité des Ames Perdues) au philosophale de seconde zone avec entre autre Aoyama Shinji (Desert Moon) ; la jeunesse est au centre des débats, fortement illustrée par le méga-hit Battle Royale de Fukasaku Kinji, accouchant de pas mal de variantes fatalistes comme l'excellent Suicide Club de Sono Shion. Et il serait injuste d'oublier l'animation, peut-être ce que le cinéma japonais a de plus cher avec Matsushima Nanako et Koreeda (Distance) : véritable essaim de génies tels Anno (Love & Pop), Kawamori (Tenku No Escaflowne), Watanabe (Cowboy Bebop), et les inévitables Katsuhiro Otomo (Akira), Miyazaki Hayao, Oshii Mamoru (Patlabor) ou Satoshi Kon (Perfect Blue), il représente ce qu'aucun cinéma n'a encore été capable de faire depuis les productions Disney des années 70… un moyen d'expression artistique d'une puissance rarement égalée, donnant des chefs d'œuvres tels Akira, Mimi Wo Sumaseba, Perfect Blue, Jin-Roh, Laputa, et le récent Millenium Actress

Le cinéma Hong-Kongais, lui, ne s'est développé réellement qu'à partir des années 60, grâce au studio Shaw Brothers et des cinéastes comme Chang Cheh, Samo Hung ou Choh Yuen et des films portant des titres très colorés du genre de Moonlight Serenade, Hero Shed No Tears, Invincible Shaolin, Chinatown Kid ou le culte Bamboo House Dolls. Des films qui ont, avec les polars américains bruts des 70's (Bullit, Dirty Harry, etc) naturellement inspirés les futurs grands cinéastes des années 80, John Woo avec son éternel The Killer, l'épileptique Tsui Hark et son Pekin Opera Blues, le débutant Johnnie To, avec The Big Hit : la même sincérité, la même naïveté touchantes mariées à des explosions de violence sans tabou, caractérisaient le cinéma HK, qui a connu son apogée dans les années 80, avec l'apparition de ses plus grandes stars (Andy Lau, Chow Yun-Fat, Leslie Cheung, Maggie Cheung, Carina Lau, Anita Mui, Tony Leung Chiu-Wai), ce cinéma fortement ancré dans son époque incarnant, pense-je souvent, le meilleur du cinéma de la "génération X", tant qualitatif que thématique, avec des discrets chefs d'œuvres comme A Moment Of Romance de Benny Chan, avec Andy Lau. Puis les années 90 sont arrivées… avec, tandis que la comédie made in HK restait fidèle à elle-même (la plus rafraîchissante du monde), le défilé Wong Kar-Wai (Nos Années Sauvages, Chuncking Express), l'émergence de solides réalisateurs de hero-movies (Ringo Lam et son magnifique Full Alert, Patrick Yau, Kirk Wong), et l'arrivée d'artistes (Daniel Lee - Till Death Do Us Part) compensant la baise de qualité due à la rétrocession de 96. Car si un thème a bien fait couler de l'encre, ce fut bien les effets secondaires de la rétrocession de HK à la Chine par l'Angleterre. Résultat ? La génération MTV, que Louis Powels aurait qualifié cette fois-ci d'atteinte d'"Ebola mental", a certes apporté son lot de produits préfabriqués pompant allègrement sur les standards Hollywoodiens, avec de très mauvais films tels ceux de Jingle Ma, la multiplication des CatIIb (séries b interdites aux enfants), et des mauvais acteurs comme Nicolas Tse ou Leon Lai… ; avec le succès du blockbuster sans âme Infernal Affairs, rien que le terrible OCTB de Kirk Wong parait loin… mais ne nous alarmons pas : il en faudra plus à la mondialisation pour achever l'identité du cinéma Hong-Kongais initiée par la Shaw Brothers il y a 40 ans…

Pour finir, le cinéma sud-coréen, du "confucianisme à l'avant-garde" comme le dit Antoine Coppola, est quant à lui doté d'une histoire bien plus modeste : si son premier film remonte aux années 20, il est resté plutôt timide jusqu'aux années 70-80, et a commencé à faire parler de lui au début des années 90, grâce à la fin de la dictature militaire en 93, notamment avec le premier festival du film coréen à Beaubourg, la même année. Depuis la fin du siècle dernier, il a amorcé une cadence de production hallucinante, aux vues de la qualité de la plupart de ses films ; car les coréens ont compris que pour faire parler de leur cinéma, il leur faudrait être au top de la technique cinématographique. Résultat, les standards coréens n'ont, depuis 6 ou 7 bonnes années, rien à envier à leurs homologues américains… une certaine liberté artistique, donc intellectuelle, en plus. Un peu à l'image du mariage de Hong Sang-Soo, qualifié de Truffaut coréen, et d'un Kang Je-Gyu, réalisateur du super carton du film d'action Shiri (avec Han-Suk Kyu), le cinéma coréen en plein essor ressemble un peu à la fusion du cinéma d'action américain des 80's, et de la nouvelle vague européenne… pour le meilleur et pour le pire : car si les coréens excellent dans le drame (Peppermint Candy et le carton au box-office Friend de Kwak Kyung-Taek) et le mélodrame esthétisant (avec Addicted, Memento Mori, et les films de Kim Ki-Duk), ils sont en revanche bien moins débrouillards au rayon action, où aucun réalisateur n'est jamais arrivé à se démarquer des canons hollywoodiens du genre sauf rare exception (Park Chon-Wook avec JSA et le sombrissime Sympathy For Mr Vengeance, Min Byeong-Cheon avec Phantom) ; les thrillers coréens n'ont aucune saveur, et même s'ils sont bien fichus, sont souvent mous. Non, décidemment, le recopiage propret ne leur sied guère (Libera Me, Yesterday, Blue, etc.) : la violence brut, les amours suicidaires, l'extrémisme dans les sentiments, voilà ce dans quoi ils excellent. Et pour ceux qui croiraient avoir affaire à une sombre nation de décalqués du caisson, il est recommandé de jeter un œil aux comédies romantiques, représentant l'essentiel de la production coréenne (surtout depuis le carton My Sassy Girl en 2001, avec Jeon Ji-Hyun): qualifiées de mièvres par les occidentaux, elles sont l'illustration spectaculaire de ce qui a fait l'essoufflement de notre cinéma : les blasés.

Les blasés, dehors !

Les cinémas japonais, Hong-Kongais et coréens, s'ils sont tous trois différents, partagent sensiblement la même culture, et la même philosophie, comme les cinémas ouest-européens ; et c'est cette impression de redécouvrir le cinéma, absente depuis longtemps du cinéma français ou made in Hollywood, qui fait son succès auprès des cinéphiles. Il ne reste plus qu'à espérer que cela ne soit pas une question de cycle, et que la société consumériste n'assassinera pas la qualité globale de ce cinéma sous les encouragements d'un public formaté…

… en attendant, voici, selon un de ses plus fidèles fans, une liste, totalement-foutrement-irréversiblement non exhaustive des 100 films asiatiques que tout mortel doit avoir vu dans sa vie. Enjoy

JAPON
1- "Okaeri" de Shinozaki Makoto (96)
2- "Cimetière de la morale" de Fukasaku Kinji (73)
3- "Combat sans code d'honneur" de Fukasaku Kinji (75)
4- "Seppuku" de Kobayashi Masaki (62)
5- "La Condition Humaine" 1, 2, & 3 de Kobayashi Masaki (59 à 61)
6- "Love Letter" de Iwai Shunji (95)
7- "PicNic" de Iwai Shunji (96)
8- "The Man Who Stole The Sun" de Hasegawa Kazuhiko (77)
9- "Bounce Ko Gal" de Harada Masato (01)
10- "Le Héros Sacrilège" de Mizoguchi Kenji (55)
11- "Rue de la Honte" de Mizoguchi Kenji (56)
12- "Brother" de Kitano (00)
13- "Hana-Bi" de Kitano (99)
14- "Kid's Return" de Kitano (97)
15- "Eureka" de Aoyama Shinji (99)
16- "A Snake Of June" de Tsukamoto Shinya (02)
17- "Gemini" de Tsukamoto Shinya (99)
18- "Tetsuo" de Tsukamoto Shinya (89)
19- "Laundry" de Mori Junichi (01)
20- "Distance" de Koreeda Hirokazu (01)
21- "Rashomon" de Kurosawa Akira (50)
22- "Le Château de l'Araignée" de Kurosawa Akira (57)
23- "Kagemusha" de Kurosawa Akira (80)
24- "Versus" de Kitamura Ryuhei (01)
25- "Kairo" de Kurosawa Kiyoshi (01)
26- "Cure" de Kurosawa Kiyoshi (97)
27- "Charisma" de Kurosawa Kiyoshi (99)
28- "Shoujo" de Okuda Eiji (03)
29- "Jin-Roh" de Okiura Hiroyuki (96)
30- "Ring" de Nakata Hideo (97)
31- "Suicide Club" de Sono Shion (02)
32- "Gonin" de Ishii Takashi (95)
33- "Labyrinth of dreams" de Ishii Sogo (97)
34- "The Crazy Family" de Ishii Sogo (84)
35- "Guinea Pig" de Hino Hideshi (85)
36- "Crepuscule A Tokyo" de Ozu Yasujiro (57)
37- "Le Goût Du Riz Au Thé Vert" de Ozu Yasujiro (53)
38- "Kazoku Game" de Morita Yoshimitsu (83)
39- "Waterboys" de Yaguchi Shinobu (01)
40- "Akira" de Katsuhiro Otomo (87)
41- "Tôkyo Biyôri" de Takenaka Naoto (97)
42- "La Barrière de la Chair" de Suzuki Seijun (64)
43- "Histoire d'une Prostitué" de Suzuki Seijun (65)
44- "Elégie de la Violence" de Suzuki Seijun (66)
45- "Après la Pluie" de Koizumi Takashi (99)
46- "Battle Royale" de Fukasaku Kinji (01)
47- "Sword Of Doom" de Okamoto Kihachi (66)
48- "Lady Snowblood" de Fujita Toshiya (73)
49- "Baby Cart" de Misumi Kenji (72)
50- "Female Convict Scorpion" de Ito Shunya (73)
51- "Go" de Yukisada Isao (01)
52- "Pluie Noire" de Imamura Shohei (89)
53- "Entre Le Ciel Et L'Enfer" de Kurosawa Akira (63)
54- "Love & Pop" de Anno Hideaki (96)

HK
55- "Lost In Time" de Derek Yip (03)
56- "A Moment Of Romance" de Benny Chan (90)
57- "Farewell My Concubine" de Chen Kaige (93) (Chine)
58- "The Killer" de John Woo (89)
59- "Police Story" de Jackie Chan (85)
60- "Everyday Is Valentine" de Wong Jin (99)
61- "Till Death Do Us Part" de Daniel Lee (97)
62- "Juliet In Love" de Wilson Yip (96)
63- "Full Alert" de Ringo Lam (96)
64- "Fulltime Killer" de Johnnie To & Wa Ka-Fai (01)
65- "He's A Woman She's A Man" de Peter Chan (94)
66- "Midnight Fly" de Chi Leung Cheung (01)
67- "Hero" de Zhang Yimou (03) (Chine)
68- "Vivre!" de Zhang Yimou (94) (Chine)
69- "Days Of Being Wild" de WKW (90)
70- "Chuncking Express" de WKW (94)
71- "12 Nights" de Aubrey Lam (01)
72- "Blood Brothers" de Chang Cheh (73)
73- "The Lovers" de Tsui Hark (94)
74- "The Blade" de Tsui Hark (93)
75- "Lost And Found" de Chi Ngai-Lee (96)
76- "OCTB" de Kirk Wong (96)
77- "PTU" de Johnnie To (02)
78- "The Mission" de Johnnie To (00)
79- "Diary Of A Big Man" de Choh Yuen (87)
80- "Les 5 Maîtres Shaolin" de Chang Cheh (75)

KOREA
81- "Addicted" de Park Yong-Hoon (02)
82- "Art Museum By The Zoo" de Lee Jeong-Hyan (99)
83- "Memento Mori" de Kim tae-Yong & Min Kyo-Dong (99)
84- "Joint Security Area" de Park Chon-Wook (01)
85- "Sympathy For Mr Vengeance" de Park Chon-Wook (02)
86- "Green Fish" de Lee Chang-Don (97)
87 "Peppermint Candy" de Lee Chang-Don (00)
88- "Oasis" de Lee Chang-Don (02)
89- "La Vierge Mis A Nu Par Ses Prétendants" de Hong Sang-Soo (99)
90- "On The Occasion Of Remembering The Turning Gate" de Hong Sang-Soo (02)
91- "Champion" de Kwak Kyung-Taek (02)
92- "Friend" de Kwak Kyung-Taek (00)
93- "Phantom The Submarine" de Min Byeong-Cheon (01)
94- "Lover's Concerto" de Lee Han (02)
95- "My Sassy Girl" de Kwak Jae-Yong (01)
96- "Bad Guy" de Kim Ki-Duk (00)
97- "Secret Tears" de Park Ki-Hyung (00)
98- "Wanee & Junah" de Kim Yon-Gyun (01)
99- "Shiri" de Kang Je-Gyu (99)
100- "First Kiss" de Kim Tae-Gyun (96)

En ai-je oublié? Forcément, puisque je ne les ai pas tous vu… quoiqu'il en soit, c'étaient les films que je conseille vivement de voir à ceux qui désirent découvrir le cinéma (nord-est) asiatique sous tous ses aspects… à vos télécommandes, camarades.

Scaar Alexander Trox


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