[attention, quelques SPOILERS dans cette critique]

Il faut beaucoup d'opiniâtreté pour retrouver le Proyas qu'on aime dans I, ROBOT, les envolées romantico-gothico-rock'n'roll de The Crow, mais surtout, la maestria ébouriffante de Dark City, ce petit chef-d'œuvre de SF au pitch dément, à la fois stimulant pour la matière grise et grisant pour les mirettes, multi-référentiel et pourtant tout à fait unique. Il faut beaucoup de volonté pour retrouver l'empreinte de Proyas dans les rouages de cette grosse machine hollywoodienne, disais-je. Il y a bien quelques effets de style gratuits de ça et là, une caméra qui virevolte en défiant les lois de la gravité (les amateurs de System of a down reconnaîtront l'effet - particulièrement bluffant, il faut le dire - utilisé sur le clip Chop suey), deux trois ralentis top frime, mais rien qu'on ne puisse rattacher au génie du réalisateur australien.

I, ROBOT va carrément jusqu'à ignorer le potentiel dément des nouvelles d'Asimov (je frime, je les ai pas lu), pour piocher du côté de la SF parano de Philippe K. Dick, en faisant le grand écart entre la traque/enquête d'un Minority Report et les interrogations d'un Blade Runner ("les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?"), sans jamais s'élever au niveau du thriller réussi de Spielberg ou du chef-d'œuvre de Scott (je frime encore, j'ai jamais compris ce film). La première impression voudrait donc que I, ROBOT ait pu être réalisé par le premier venu.
Mais méfions nous des premières impressions…

DERRIERE LES APPARENCES…
Il y a une scène intéressante dans I, ROBOT : l'inspecteur Spooner (Will Smith) discute avec le professeur Alfred Lanning (James Cromwell). Mais le comportement mécanique et l'absence de répondant de Lanning indiquent que quelque chose cloche, avant que l'on ne découvre (par un subtil travelling latéral) qu'il ne s'agit là que d'un hologramme.
Cette séquence résume assez bien l'ambiguïté de I, ROBOT. Le film de Proyas ressemble à cet enregistrement limité, dont les aptitudes sont restreintes par les lois immuables que dictent les studios (à savoir donner au spectateur ce qu'il attend), et en ce sens, soulève la problématique inhérente au système Hollywoodien.
Tant qu'on se refusera à aller à l'encontre des attentes du public, qu'on se contentera de lui donner ce qu'il attend, tant qu'on continuera à le surprotéger, contre son gré, à l'instar de ces robots qui prennent les armes "pour notre bien", bref, tant que le système hollywoodien restera dans cette logique de production à la chaîne, standardisée et inepte, on aboutira toujours, invariablement, au même film, sorti du même moule, certes toujours plus perfectionné (avancées technologiques obligent), mais à qui il manquera toujours ce petit quelque chose. A savoir, une âme.

"Cela manque un peu… de cœur." (Sonny)

Certains petits malins ont réussis à contourner ces lois (les Wachowski et leur saga Matrix en sont le meilleur exemple : on s'appuie sur les bases hollywoodiennes pour finalement révolutionner complètement la façon d'appréhender le divertissement). Disons le tout net : ce n'est pas le cas de I, ROBOT.
Ingéré par Hollywood, le talent de Proyas s'est dissous dans les impératifs de l'entertainement. Le scénario est inepte, bourré d'incohérence, l'intrigue mollassonne, les images jolies mais polluées par des pubs incongrues, le personnage de Sonny intéressant mais survolé. Il faut se résoudre : I, ROBOT présente tous les aspects du blockbuster estival lambda.

Pourtant, à y regarder de plus près, il y a là, caché sous cet exosquelette désincarné, quelque chose de quasiment indécelable. Un peu à l'image de la prestation de Will Smith. L'action-star, au sourire émail diamant et au déhanchement de pendule, et qui lâche des vannes bidons avec une précision de métronome pendant tout le métrage, délaisse sa carapace de superflic de Bel-Hair le temps d'une scène. Une scène très brève où, en narrant à une jolie doctoresse le trauma de sa vie, il laisse affleurer l'humanité de son personnage, toute en sobriété, avec la pudeur propre aux "mauvais garçons". Tout simplement touchant. Une fulgurance d'émotion dans la machine...

Car il semble que, bloqué dans la carapace étriquée de son film, comme cet hologramme aux aptitudes restreintes, Proyas tente de nous montrer la voie, de nous montrer ce que I, ROBOT aurait pu être, à savoir le porte-étendard d'une série de "blockbusters intelligents". Une image restera. Celle d'un robot messie qui, dressé sur une dune de sable, surplombe une foule de machines désuètes. Nous l'attendons encore. #

" Ca rame ! Foutu processeur Intel Pentium XVIII..."

Proyas couture présente : la collection été hiver 2030...

Will Smith : "Je savais bien que j'aurai pas du voler ce stylo bic !!!"

Sting aliiiiiiiive....

"Attends, chéri, comment ça, MOI, j'ai pas la classe de Tom Cruise ?"


Ce bon film d'action mais piètre film de SF laisse entrevoir, d'une part l'imbécillité d'un système hollywoodien tayloriste et déshumanisé (V.I.K.I.), et d'autre part, ce qu'aurait pu être le projet (Sonny), libéré des contraintes des studios. Manque de peau, la machine a encore broyé le papillon.


Pas de commentaires pour le moment.

J'ai tenté d'entrouvrir ce débat avec un ami à la sortie de I, ROBOT. Ayant échoué (il pensait qu'à boire un coup, fichu ivrogne), j'entreprend de le poster ici. Je m'exprimerai en terme clair, non pas pour me faire comprendre de tous, mais simplement parce que je ne suis pas spécialiste en robotique ou en biologie. Je vais faire avec le peu que je sais, à savoir les bases que j'ai retenues de mes cours de SVT…

Qu'est-ce qui fait de nous des hommes ?
Qu'est-ce qui nous sépare des machines ?
Nos sentiments ?
Certes, mais qu'est-ce que sont les sentiments ? Des troubles psychiques, tout bêtement. La tristesse, l'euphorie, résultent de réactions synaptiques. Même l'amour que l'on ressent pour une personne peut s'expliquer biologiquement.
Comprenez-moi, je n'ai rien du scientifique cartésien obtus, mais si l'on choisit d'évacuer le concept d'âme en se concentrant sur le fonctionnement du corps humain, alors la création d'un être humain m'apparaît tout à fait possible (peut-être pas à l'état actuel des connaissances mais dans un futur proche).
Si l'on parvient à recréer un système nerveux, un encéphale, et tout ce qui gravite autour, et qu'on fourre ça dans une enveloppe corporelle, et que nous lui donnons un quelconque bagage génétique, est-ce que nous n'aurons pas créer un être humain ? Un être qui réfléchira, développera sa façon de penser, aimera et haïra.

Je ne veux pas entrer dans des considérations morales. Que ce soit bien ou pas n'est pas la question. Je veux juste savoir si vous pensez que c'est possible.

J'attends vos réactions.

Ce débat est développé sur le topic "Digression autour de I, ROBOT, tentative de débat" sur le forum "Films & Débats"

I, robot
Film américain (2003). Science fiction. Durée : 2h . Date de sortie : 28 Juillet 2004

Réalisation, production, distribution
Réalisateur : Alex Proyas
Scénariste : Jeff Vintar, Hillary Seitz, Akiva Goldsman
Productrice : Laurence Mark, John Davis
Production : Fox Searchlight Pictures, U.S.A. Overbrook Entertainment, U.S.A.DistributionUFD, France

Acteur(s)
Will Smith : Del Spooner
Alan Tudy : Sonny
Bridget Moynahan : le Dr. Susan Calvin
Chi McBride : le lieutenant John Bergin
Bruce Greenwood : Lawrence Robertson
James Cromwellle : Dr. Alfred Lanning
Scott Heindl : le robot NS5
David Haysom : le robot NS4
Adrian L. Ricard (Adrian Ricard) : Granny
Jerry Wasserman : Baldez
Fiona Hogan : V.I.K.I.

Equipe Technique
D'après l'oeuvre de Isaac Asimov
Compositeur : Marco Beltrami
Directeur de la photographie : Simon Duggan
Directeur artistique : Patrick Tatopoulos
Producteur exécutif : Wyck Godfrey, Will Smith