Aujourdhui,
tous ensemble, amusons nous à « pourquoi ce film il
est foiré ». Cest un jeu délicat, qui
nécessite quon procède méticuleusement,
et par ordre, afin de comprendre comment, dun postulat de
départ aussi excitant, on arrive finalement à cet
espèce de machin tout juste bon pour un rencard ou une place
exonérée. Le scénario, dabord. [**séclaircit
la voix**]
Le scénario
dArsène Lupin (puisque cest de ce film
quil sagit aujourdhui) ne se contente pas dêtre
méchamment criblé dincohérences et daligner
les séquences daction en dépit du bon sens (la
Maréchaussée qui fait du kung-fu
syndrome Pacte
des loups ?), il pêche également par une ambition
démesurée, en sappliquant à suivre le
parcours du jeune Arsène de ses langes crottées à
son fauteuil roulant (jexagère à peine). On
finit par se dire quavec Depardieu en lieu et place de Romain
Duris, on tenait une bonne biopic des familles pour soirée
dhiver sur France 2. Une histoire pas complètement
inintéressante, pourtant, mais qui aurait davantage convenu
au support dune série télé, en attestent
ces personnages qui disparaissent brutalement et font leur come-back
à la bobine suivante, ou encore ces cliffhangers disséminés
ça et là. A la septième fin du film, on commence
à trouver le temps long
et cest un euphémisme.
Et il ne faudra
pas compter sur la mise en scène peu inspirée
(et cest encore un euphémisme) de Jean-Paul
Salomé pour relever la sauce. Attention, quon se mette
daccord, je ne parle pas du montage inepte ou de la direction
dacteur plan-plan, et il y aurait pourtant des choses à
en dire, quand on voit à quel point le charisme sanguin de
limmense Pascal Greggory est ici sous-employé, que
dis-je, aseptisé
Non, non, moi, je parle de ce qui
manque à Jean-Paul Salomé (déjà responsable
dun Belphégor pas bien folichon), à savoir
: des couilles. Salomé, cest du cinéma décolier
appliqué qui ne soffre jamais les moyens daller
au bout de ses idées. Du cinéma timoré, à
limage de cette incursion timide dans le fantastique, à
peine assumée, et donc forcément bâtarde. Bref,
un cinéma beaucoup trop sage pour parvenir à illustrer
la complexité du personnage de Maurice Leblanc. On parle
dArsène Lupin, là, merde ! Le plus grand des
voleurs ! Un corbeau parmi les colombes ! Un anarchiste mondain
! Un anachronisme vivant dans une époque bloquée par
les conventions ! Un putain de héros, Dude !! Cest
cest KleptoMan ! [ce jeu de mots est entièrement
déductible de vos impôts]
La faute nen
incombe cependant pas à Romain Duris, comédien doué
au demeurant, mais qui, allez comprendre, peine à trouver
ses marques devant la caméra de Popol, en dépit dun
physique idéal, de costumes déments, dune gestuelle
travaillée et dun petit je ne sais quoi qui pourrait
bien sapparenter à de la classe. Pourtant
Pourtant,
pour peu quon soit attentionné (et ça relève
de la gageure), il arrive quon saisisse un regard, un geste,
une étincelle, des scènes où le talent de Duris
parvient à saffranchir de la mise en scène de
Salomé, comme un diamant brut dans une gaine étriquée.
Des instants volés, dautant plus précieux quils
laissent entrevoir ce quaurait pu être ce film entre
dautres mains. En état de fait, désolé,
mais cest Arsène Loupé. [offre exceptionnelle
: pour une critique achetée, trois jeux de mots offerts]
Résultat
des courses : en dépit dun clin dil sympa
(intentionnel ?) à LEmpire contre-attaque et
de deux-trois images qui dégagent un petit parfum des «
Mystères de Paris », on se prend à songer
avec regret aux partis pris couillus dun Blueberry
ou aux envolées baudelairiennes de Immortel (ad vitam),
deux films qui, en terme de cinéma de genre français
récent et aussi imparfaits quils nous soient parvenus,
avaient au moins pour mérite daller au bout de leurs
ambitions (dailleurs, moi, jéchange trois barils
de Lupin contre un baril de Blueberry). Là,
niet, nada, proot. Cest du flan. Le héros de Leblanc
sen remettra
pour Salomé, vlan, une bonne torgnole
sur les doigts. Il laura pas volée, celle-là.
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