« - Arsiiine…
- Ouiiii ?
- Arsène… lu huche i vide…
- …i alors ?
- …alors va chircher lupin, Arsène… »
[ce jeu de mots ne vous sera pas facturé]

Aujourd’hui, tous ensemble, amusons nous à « pourquoi ce film il est foiré ». C’est un jeu délicat, qui nécessite qu’on procède méticuleusement, et par ordre, afin de comprendre comment, d’un postulat de départ aussi excitant, on arrive finalement à cet espèce de machin tout juste bon pour un rencard ou une place exonérée. Le scénario, d’abord. [**s’éclaircit la voix**]

Le scénario d’Arsène Lupin (puisque c’est de ce film qu’il s’agit aujourd’hui) ne se contente pas d’être méchamment criblé d’incohérences et d’aligner les séquences d’action en dépit du bon sens (la Maréchaussée qui fait du kung-fu… syndrome Pacte des loups ?), il pêche également par une ambition démesurée, en s’appliquant à suivre le parcours du jeune Arsène de ses langes crottées à son fauteuil roulant (j’exagère à peine). On finit par se dire qu’avec Depardieu en lieu et place de Romain Duris, on tenait une bonne biopic des familles pour soirée d’hiver sur France 2. Une histoire pas complètement inintéressante, pourtant, mais qui aurait davantage convenu au support d’une série télé, en attestent ces personnages qui disparaissent brutalement et font leur come-back à la bobine suivante, ou encore ces cliffhangers disséminés ça et là. A la septième fin du film, on commence à trouver le temps long… et c’est un euphémisme.

Et il ne faudra pas compter sur la mise en scène – peu inspirée (et c’est encore un euphémisme) – de Jean-Paul Salomé pour relever la sauce. Attention, qu’on se mette d’accord, je ne parle pas du montage inepte ou de la direction d’acteur plan-plan, et il y aurait pourtant des choses à en dire, quand on voit à quel point le charisme sanguin de l’immense Pascal Greggory est ici sous-employé, que dis-je, aseptisé… Non, non, moi, je parle de ce qui manque à Jean-Paul Salomé (déjà responsable d’un Belphégor pas bien folichon), à savoir : des couilles. Salomé, c’est du cinéma d’écolier appliqué qui ne s’offre jamais les moyens d’aller au bout de ses idées. Du cinéma timoré, à l’image de cette incursion timide dans le fantastique, à peine assumée, et donc forcément bâtarde. Bref, un cinéma beaucoup trop sage pour parvenir à illustrer la complexité du personnage de Maurice Leblanc. On parle d’Arsène Lupin, là, merde ! Le plus grand des voleurs ! Un corbeau parmi les colombes ! Un anarchiste mondain ! Un anachronisme vivant dans une époque bloquée par les conventions ! Un putain de héros, Dude !! C’est… c’est KleptoMan ! [ce jeu de mots est entièrement déductible de vos impôts]

La faute n’en incombe cependant pas à Romain Duris, comédien doué au demeurant, mais qui, allez comprendre, peine à trouver ses marques devant la caméra de Popol, en dépit d’un physique idéal, de costumes déments, d’une gestuelle travaillée et d’un petit je ne sais quoi qui pourrait bien s’apparenter à de la classe. Pourtant… Pourtant, pour peu qu’on soit attentionné (et ça relève de la gageure), il arrive qu’on saisisse un regard, un geste, une étincelle, des scènes où le talent de Duris parvient à s’affranchir de la mise en scène de Salomé, comme un diamant brut dans une gaine étriquée. Des instants volés, d’autant plus précieux qu’ils laissent entrevoir ce qu’aurait pu être ce film entre d’autres mains. En état de fait, désolé, mais c’est Arsène Loupé. [offre exceptionnelle : pour une critique achetée, trois jeux de mots offerts]

Résultat des courses : en dépit d’un clin d’œil sympa (intentionnel ?) à L’Empire contre-attaque et de deux-trois images qui dégagent un petit parfum des « Mystères de Paris », on se prend à songer avec regret aux partis pris couillus d’un Blueberry ou aux envolées baudelairiennes de Immortel (ad vitam), deux films qui, en terme de cinéma de genre français récent et aussi imparfaits qu’ils nous soient parvenus, avaient au moins pour mérite d’aller au bout de leurs ambitions (d’ailleurs, moi, j’échange trois barils de Lupin contre un baril de Blueberry). Là, niet, nada, proot. C’est du flan. Le héros de Leblanc s’en remettra… pour Salomé, vlan, une bonne torgnole sur les doigts. Il l’aura pas volée, celle-là. #



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Arsène Lupin
Film français.
Genre : Policier
Durée : 2h 10min.
Année de production : 2003


Réalisation, Scénario, production

Réalisateur Jean-Paul Salomé
Scénariste : Jean-Paul Salomé, Laurent Vachaud
Production : M6 Films, France, TF1 Films Production, France, TPS Cinéma, France, Hugo Films, France

Acteur(s)
Arsène Lupin : Romain Duris
Joséphine : Kristin Scott Thomas
Henriette Lupin : Marie Bunel
la duchesse : Francoise Lépine
Arsène enfant : Guillaume Huet
Beaumagnan : Pascal Greggory
Clarisse : Eva Green
le duc de Dreux-Soubise : Robin Renucci
Léonard : Patrick Toomey
le duc d'Orléans : Mathieu Carrière
Bonnetot : Philippe Magnan
le cardinal d'Etigues : Philippe Lemaire
Jean Lupin : Aurélien Wiik
La femme aux diamants : Jessica Boyde
Clarisse enfant : Adèle Csech
Le médecin : Xavier Beauvois
Le préfet : Philippe Laudenbach

Equipe technique
Compositeur : Debbie Wiseman
Dialoguiste : Jean-Paul Salomé, Laurent Vachaud
Directeur de la photographie : Pascal Ridao
Monteur : Marie-Pierre Renaud
Producteur délégué : Stéphane Marsil
Producteur exécutif : Alain Peyrollaz
Coproducteur : Christopher Granier-Deferre, Alfred Huermer
D'après l'oeuvre de Maurice Leblanc
Exportation/Distribution internationale : SND, France